Aux champs
Les
deux chaumières étaient côte à côte, au pied d'une colline, proches d'une
petite ville de bains. Les deux paysans besognaient dur sur la terre inféconde
pour élever tous leurs petits. Chaque ménage en avait quatre. Devant les deux
portes voisines, toute la marmaille grouillait du matin au soir. Les deux aînés
avaient six ans et les deux cadets quinze mois environ ; les mariages et,
ensuite les naissances, s'étaient produites à peu près simultanément dans l'une
et l'autre maison.[…]
La première des
deux demeures, en venant de la station d'eaux de Rolleport, était occupée par
les Tuvache, qui avaient trois filles et un garçon ; l'autre masure abritait
les Vallin, qui avaient une fille et trois garçons.
Par un après-midi du mois d'août, une légère voiture s'arrêta brusquement
devant les deux chaumières, et une jeune femme, qui conduisait elle-même, dit
au monsieur assis à côté d'elle :
- Oh ! regarde, Henri, ce tas d'enfants ! Sont-ils jolis, comme ça, à
grouiller dans la poussière.[…]
Et, sautant de la voiture, elle courut aux enfants, prit un des deux
derniers, celui des Tuvache, et, l'enlevant dans ses bras, elle le baisa
passionnément sur ses joues sales, sur ses cheveux blonds frisés et pommadés de
terre, sur ses menottes qu'il agitait pour se débarrasser des caresses
ennuyeuses.
Puis elle remonta dans sa voiture et partit au grand trot. Mais elle revint
la semaine suivante, s'assit elle-même par terre, prit le moutard dans ses
bras, le bourra de gâteaux, donna des bonbons à tous les autres ; et joua avec
eux comme une gamine, tandis que son mari attendait patiemment dans sa frêle
voiture.
Guy
de Maupassant, Contes de la bécasse, 1882
Bonjour c sarahaki
RépondreSupprimer